EQRS (évaluation quantitative des risques sanitaires) / ARR (analyse des risques résiduels)

Exemple d’étude dans le cadre d’une cessation d’activité et du réaménagement du site.

L’exemple ci-dessous correspond à un extrait de l’analyse des risques résiduels (ARR) qui est un des documents du dossier.

INTRODUCTION

Dans le cadre d’une cessation d’activité avec un projet d’aménagement sur le terrain d’une ancienne entreprise, le dernier exploitant a mandaté la société AMDE pour la réalisation en avril 2007 d’un diagnostic environnemental complémentaire.
Les résultats obtenus ont montré l’existence d’une pollution du milieu sol, localisé au niveau d’un bac de trempage et d’une cuve aérienne. Cette pollution est caractérisée par la présence de pesticides (propiconazol et tébuconazol) et d’hydrocarbures. Cette source génère un panache de pollution sur les eaux souterraines.
La reconversion du site en usage sensible (usage résidentiel) nécessite la mise en place d’un plan de gestion du passif environnemental. Dans ce cadre, des travaux d’excavation de la source de pollution ont été réalisés en juin 2007 associé à la mise en place de piézomètres de contrôle à l’aval hydraulique du site.
Le présent document a pour but de vérifier la compatibilité entre les teneurs résiduelles dans les sols encore en place et l’usage futur du site et son environnement.

SCHEMA CONCEPTUEL

I – Données initiales

Le projet immobilier en cours sur l’emprise de l’ancien site industriel prévoit la réalisation d’un immeuble avec sous-sol et quatre étages de logements (usage résidentiel).
Le schéma ci-dessous présente l’emprise de l’ancien site industriel et le projet immobilier en construction.

Etude diagnostic environnemental Gironde
II – Scénario retenu

Le scénario retenu pour l’Analyse des Risques Résiduels est présenté sur le schéma ci-dessous.

Les teneurs résiduelles identifiées suite aux travaux de dépollution ne sont pas situées directement sous l’emprise de l’immeuble. Par principe de précaution un scénario inhalation air intérieur est pris en compte.

Remarque : le scénario transfert vers les eaux souterraines fait l’objet d’une autre étude.

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Analyse des risques résiduels : scénario inhalation

I – Méthode retenue

Lorsqu’une pollution est présente sous un bâtiment, les polluants volatils peuvent, sous forme de vapeurs, s’introduire à l’intérieur du bâtiment via les fondations à partir des sols présentant une pollution résiduelle. La migration convective et par diffusion des contaminants du sol et l’intrusion dans le bâtiment peuvent être estimées à l’aide du modèle mis au point par Johnson et Ettinger (1991).
A partir de données spécifiques du polluant, de données relatives au site et de données caractérisant le bâtiment, le modèle de Johnson et Ettinger (JEM) permet de déterminer un coefficient d’atténuation (a) qui relie la concentration dans l’air intérieur et la concentration du polluant en phase gazeuse au niveau de la source (sols / eau souterraine).

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L’intrusion du polluant volatil du sous-sol dans un bâtiment peut être décrite comme suit :

  • A la limite supérieure de la zone contaminée, les polluants volatils migrent par diffusion vers la surface jusqu’à ce qu’ils rencontrent la zone d’influence de la construction.
  • Les mouvements d’air convectifs dans la colonne de sol transportent alors les vapeurs à travers les fissures et les joints qui se trouvent entre les fondations et le fond du bâtiment. Ces effets de convection sont dus à la pression négative au sein de la structure causée par la combinaison des effets du vent et des rejets d’air dus à la ventilation mécanique et au chauffage.
  • La vitesse de pénétration des vapeurs de polluant dans le bâtiment dépend donc uniquement de la convection, mais la concentration de vapeur est limitée par la convection ou la diffusion, selon la distance qui sépare la zone source de la construction (LT).
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II – Identification des dangers

II.1 – Choix des substances

Lors des travaux d’excavation des sols pollués autour du bac de trempage, les substances suivantes ont été analysées sur les sols :

  • Hydrocarbures (C10-C40) avec répartition des fractions carbonées ;
  • Les composants des produits de conservation du bois (aclonifène, chlorthalonil, chloronaphtalène, cypermethrin, cyfluthrine, deltamethrine, dichlofluanid, furmecyclox, lindane, parathion, perméthrine, propiconazol, tébuconazol, fenobucarb et triallate).

Parmi les substances analysées, on retiendra les substances :

  • volatiles ;
  • détectées en concentrations supérieures à la limite de quantification du laboratoire sur au moins 1 échantillon ;
  • présentant une VTR pour la voie inhalation ;
  • et susceptibles de générer un risque significatif par la voie inhalation.

Le Total Petroleum Hydrocarbon Criteria Working Group (TPHCWG) précise que les composés au-delà de C20 ne sont pas volatils. De plus, seules les VTR pour les composés inférieurs à C16 sont disponibles.

Les substances retenues sont validées dans le tableau ci-dessous :

Le scénario retenu pour l’Analyse des Risques Résiduels est présenté sur le schéma ci-dessous.

Substances analysées
Volatiles
Concentration > LQ
VTR disponible
Substances retenues
Hydrocarbures > C10-C12 oui oui oui oui
Hydrocarbures > C12-C16 oui oui oui oui
Hydrocarbures > C16-C21 oui oui non non
Hydrocarbures > C21-C35 non oui non non
Hydrocarbures > C35-C40 non oui non non
1- Chloronaphtalène oui non non non
2- Chloronaphtalène oui non non non
Fenobucarb oui non oui non
Lindane oui non non non
Triallate oui non non non
Chlorothalonil oui non non non
Furmecyclox oui non non non
Dichlofluanid oui non non non
Parathion-éthyl oui non non non
Aclonifène oui non oui non
Propiconazol oui oui oui oui
Tebuconazol oui oui non oui
cis-Permethrine oui non non non
trans-Permethrine oui non non non
Cyfluthrine oui non non non
alpha-Cyperméthrine oui non non non
Deltamethrine non non non non

II.2 – Concentrations retenues

Les concentrations les plus défavorables ont été retenues systématiquement, par principe de précaution.
Le tableau ci-dessous présentent les concentrations identifiées et celles retenues.

Paramètres E1 E2 E3 E4 E5 Concentrations retenues mg/kg
Hydrocarbures > C10-C12 34 34
Hydrocarbures > C12-C16 12 17 17
Propiconazol 4,9 0,1 0,23 2,8 4,9
Tebuconazol 2,8 0,11 1,7 2,8

L’emplacement des points de prélèvements est rappelé sur la figure suivante.

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II – Définition des relations dose-réponse

Deux types de relations dose-réponse sont utilisés conventionnellement :

  • Les effets toxiques à seuil indiquent un effet qui survient au-delà d’une dose administrée, pour une durée d’exposition déterminée à une substance isolée. L’intensité des effets croît alors avec l’augmentation de la dose administrée. En deçà de cette dose, on considère que l’effet ne surviendra pas. On parle alors de Dose Journalière Tolérable (DJT) pour une exposition orale et de Concentration Admissible (CA) pour les voies respiratoires.
  • Les effets toxiques sans seuil indiquent un effet qui apparaît quelle que soit la dose reçue. La probabilité de survenue de l’effet croît avec la dose et la durée de l’exposition, mais l’intensité de l’effet n’en dépend pas. La valeur toxicologique de référence est alors une Excès de Risque Unitaire (ERU). Elle est spécifique d’une voie d’exposition et correspond à la probabilité supplémentaire – par rapport à un sujet non exposé – de contracter un cancer s’il est exposé toute sa vie à une unité de dose du composé chimique cancérigène.

Concernant les hydrocarbures retenus (C11-C16), la méthode utilisée et développée par le TPHCWG n’est valable que pour des mélanges non cancérigènes.

D’après les informations recueillies, le propiconazole et le tébuconazole ne sont pas classés pour leur effet cancérigène que ce soit par l’US EPA, ou l’IARC.

Dans la recherche des différentes bases de données, aucune VTR inhalation n’est disponible pour le propiconazole et le tébuconazole.

En dernier recours, l’US EPA a développé une méthode simple pour transposer des VTR en fonction de la voie d’exposition. La transposition de la voie orale à la voie respiratoire peut se faire sous l’hypothèse que la voie d’exposition n’influence pas le comportement de la substance dans l’organisme vis-à-vis des effets et que le taux d’adsorption par voie digestive et par inhalation soit de 100%. Alors, pour un effet non cancérigènes, la VTR inhalation est déterminée comme suit :

Concentration admissible dérivée dans l’air = VTR orale x poids / volume d’air inhalé
Avec : poids : 70 kg
Volume d’air inhalé : 20 m3/jour

Valeur Toxicologique de
Référence retenue (mg/m3)
Facteur d’incertitude Organe cible Source Année
Hydrocarbures totaux > C10-C12 Aromatique : 0,2 Perte de poids TPHCWG 1997
Aliphatique : 1 Modifications hépatiques et hématologiques TPHCWG 1997
Hydrocarbures totaux > C12-C16 Aromatique : 0,2 Perte de poids TPHCWG 1997
Aliphatique : 1 Modifications hépatiques et hématologiques TPHCWG 1997
Propiconazol 0,0455 * 100 Système gastro-intestinal USEPA
Tebuconazol 0,105 * Agritox

* dérivée de la VTR ingestion

Remarque :
Les résultats en hydrocarbures totaux > C10-C12 et >C12-C16 regroupent l’ensemble des composés aromatiques et aliphatiques. Sans information complémentaire, l’analyse sera effectuée en prenant comme hypothèse un mélange 100% aromatique et 100% aliphatique. Le risque le plus défavorable déterminera le mélange retenu.

 III – Evaluation de l’exposition

III.1 Paramètres de l’exposition

La Dose Journalière d’Exposition pour le scénario inhalation est donnée par l’équation ci-dessous issue de la Démarche d’Interprétation de l’Etat des Milieux (IEM) :

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L’usage futur retenu est un usage résidentiel. Les cibles retenues en priorité sont les futurs résidents de l’immeuble.
Paramètres de l’exposition :

Paramètres Valeur retenue
Ti 24 heures
T 30 ans
Ef 350 jours
Tm à seuil 30 ans
Tm sans seuil 70 ans

III.2 – Quantification de l’exposition

Le tableau ci-dessous présente les concentrations dans l’air du bâtiment d’après le modèle Johnson & Ettinger. L’ensemble des paramètres appliqués au modèle lui-même est fourni dans une annexe non fournie dans cet extrait.

Concentration retenue dans les sols (mg/kg) CI : Concentration Inhalée (mg/m3)
Hydrocarbures totaux > C10-C12
(100% aliphatique)
34 3,77E-01
Hydrocarbures totaux > C10-C12
(100% aromatique)
34 8,67E-02
Hydrocarbures totaux > C12-C16
(100% aliphatique)
17 3,.35E-02
Hydrocarbures totaux > C12-C16
(100% aromatique)
17 2,.40E-03
Propiconazole 4,9 1,02E-09
Tébuconazole 2,8 1,86E-10
IV – Caractérisation des risques sanitaires

Pour les effets à seuil, la possibilité de survenue d’un effet toxique chez la cible ne s’exprime pas par le calcul d’une probabilité. Cette possibilité de survenue est représentée par un quotient de danger QD.

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Lorsque cet indice est inférieur à 1, la survenue d’un effet toxique apparaît peu probable même pour les populations sensibles. Au-dessus de 1, la possibilité d’apparition d’un effet toxique ne peut pas être exclue.

Quotient de danger (QD)
Hydrocarbures totaux > C10-C12 0.420
Hydrocarbures totaux > C12-C16 0,032
Propiconazol 2,2E-09
Tebuconazol 1,8E-09
Somme 0,452

D’après les résultats obtenus et sur la base des données disponibles, le quotient de danger est inférieur à 1 pour chaque substance. Les concentrations résiduelles dans les sols sont donc compatibles avec un usage futur de type résidentiel.

V – Evaluation des incertitudes

V.1 – Incertitudes sur les cibles et les usages

L’ARR a été menée sur la base d’un usage futur de type résidentiel. Pour cet usage, on suppose une exposition continue. Les personnes ne quittent pas l’habitation de toute la journée (24 heures par jour) et ce pendant 350 jours/an. Ces deux hypothèses sont suffisamment sécuritaires pour ne pas suspecter une durée d’exposition plus importante.

V.2 – Incertitudes sur l’identification des dangers

Les substances retenues sont compatibles avec l’activité passée du site. Les paramètres recherchés sont représentatifs de la pollution résiduelle présente sur le site (produits de conservation du bois et hydrocarbures de C10 à C40).

V.3 – Incertitudes sur les relations dose-réponse

En ce qui concerne le propiconazole et le tébuconazole, aucune VTR pour l’inhalation n’était disponible dans la littérature de référence. Ces produits sont très peu volatils de par leur nature chimique. En émettant l’hypothèse que la voie d’exposition n’influence pas le comportement de la substance dans l’organisme vis-à-vis des effets et que le taux d’absorption par voie digestive et par inhalation est de 100%, la VTR retenue a été déduite des « VTR ingestion » disponibles.
Remarque : les hydrocarbures totaux >C10-C12 et >C12-C16 représentent la somme entre les hydrocarbures aliphatiques et aromatiques. Sans indication supplémentaire, le calcul a été réalisé en considérant un mélange 100% aliphatique et un mélange 100% aromatique. Le QD le plus élevé a été retenu dans le risque global.
Le quotient de danger final calculé est extrêmement majorant. En effet, en théorie les QD ne sont cumulables que pour un même effet et un même organe cible. En l’absence de données très précises et en l’absence de risque global, le cumul sélectif n’a pas été effectué.

V.4 – Incertitudes sur les paramètres du modèle

Etant donné le nombre important de paramètres dont le modèle Johnson & Ettinger tient compte, un certain nombre de paramètres a été fixé par défaut en respectant le principe de précaution.

Comme tout modèle, celui développé par Johnson et Ettinger est basé sur des hypothèses :

  • Les produits sous forme de gaz pénètrent dans le bâtiment à travers les fissures et les ouvertures dans les murs et dans les fondations ;
  • Le transport par convection se produit principalement dans la zone d’influence de la construction. Les vitesses diminuent rapidement avec l’augmentation de la distance de la source ;
  • La diffusion domine le transport entre la source et la zone d’influence du bâtiment.
  • Toutes les vapeurs présentes sous le bâtiment vont pénétrer à l’intérieur à moins que celui-ci ne soit parfaitement étanche ;
  • Les sols sont homogènes ;
  • Les polluants sont répartis de manière homogène dans la zone source ;
  • L’extension horizontale de la zone source est plus importante que la surface du bâtiment en contact avec le sol ;
  • Le transport de vapeurs se produit en l’absence de mouvements convectifs des eaux dans la zone non saturée et en l’absence de dispersion mécanique ;
  • Le modèle ne prend pas en compte les processus de transformation (biodégradation, hydrolyse etc.) ;
  • La couche en contact avec la dalle du bâtiment est isotrope ;
  • Le taux de ventilation et la différence de pression entre l’intérieur de la structure et la surface du sol sont constants.

Les hypothèses de calcul du modèle sont sécuritaires.

Le tableau suivant présente les différents résultats obtenus en faisant varier les paramètres du modèle pour une substance. La substance choisie est celle présentant le risque le plus important : les hydrocarbures aromatiques > C10-C12.

Les paramètres pris en compte dans le calcul initial sont surlignés en jaune. Les autres valeurs correspondent aux plages de données du modèle Johnson & Ettinger sauf pour la température moyenne qui correspond à une hypothèse.

Hydrocarbures aromatiques >C10-C12
Paramètre du modèle Données QD
Température moyenne du sol (°C) 10 3,60E-01
12 4,-20E-01
20 7,30E-01
Fraction de carbone organique 0,001 8,20E-01
0,002 4,20E-01
0,006 1,40E-01
Pression différentielle (g/cm-s²) 0,01 4,50E-02
40 4,20E-01
200 2,00E+ 00
largeur des fissures du bâtiment (cm) 0,05 3,80E-01
0,1 4,20E-01
1 5,70E-01

La variation des paramètres met en évidence un dépassement de la valeur seuil de 1 sur le paramètre pression différentielle. On rappellera toutefois que ces valeurs correspondent à des limites d’utilisation du modèle (foc, pression différentielle et largeur des fissures) ou à des valeurs extrêmes arbitrairement choisies (température du sol). Ces valeurs ne sont donc pas réalistes par rapport aux paramètres retenus déjà conservateurs.
Le tableau ci-dessus permet uniquement de mettre en évidence l’influence de certains paramètres sur le résultat final et ne doit pas être pris comme résultat du calcul de risque.

CONCLUSION

Suite aux travaux de dépollution réalisés au droit de l’ancienne entreprise, des teneurs résiduelles ont été identifiées dans les sols.
Dans le cadre de la vente du site pour la réalisation d’un projet immobilier comprenant un parking souterrain et plusieurs étages de logements, une Analyse des Risques Résiduels (ARR) a été réalisée. Les résultats de l’ARR montrent que l’usage futur envisagé (de type résidentiel) est compatible avec les concentrations résiduelles situées à proximité bâtiment.
Aucune action corrective complémentaire n’est à prévoir suite aux opérations de dépollution effectuées dans le cadre de la cessation d’activité de l’entreprise pour le scénario traité dans cet extrait d’étude.